samedi 29 juin 2013

Georges Clemenceau : Le voile du bonheur par " le Tigre " du Bengale…


" Le tombeur de ministères ", " le Tigre ", " le Père la Victoire ", les épithètes désignant Georges Clemenceau sont célèbres. Trente ans parlementaire, deux fois président du Conseil et légende vivante d'une France victorieuse en 1918, l'historiographie du personnage est abondante.


On y traite de son rôle magistral dans l'Affaire Dreyfus, du rôle tenu par les journaux dont il fut directeur : La Justice, L'Aurore, Le Bloc, L'Homme libre, L'Homme enchaîné, de son athéisme radical ou de ses duels fameux, oratoires au Parlement, à l'épée sur le pré…


Il y a aussi son amitié pour Claude Monet et les impressionnistes qui permettent de mieux saisir l'homme. Le portrait de Clemenceau serait incomplet si on omettait de citer son attrait pour l'Orient. Dans la France du XIXème siècle qui découvrait le japonisme, il en fut un collectionneur passionné. Acteur politique, il apporta son influence et le concours de ses collections au service de la diffusion de cet art auprès du public. Il écrivit aussi une pièce au décor exotique et au message philosophique très oriental. C'est cette œuvre, dans son édition originale de 1901 que je propose aujourd'hui à la vente.


Le voile du bonheur est une pièce en un acte représentée au théâtre de la Renaissance le 4 novembre 1901 sur une musique de scène de Gabriel Fauré. C'est Eugène Fasquellequi en fut l'éditeur. Georges Clemenceau était passionné par la Chine. Il ne l'a pourtant pas connue, puisque, après la Conférence de la Paix, lorsqu'il partit pour un long voyage en Asie, il ne dépassa pas Singapour !


Petit résumé : Tchang-I est un mandarin aveugle et heureux de vivre et d'être entouré de ceux qu'il aime, sa femme Si-Tchun, son fils Wen-Siéou, ses amis Tou-fou et Li-Kiang. Il est la bonté personnifiée. Un occidental (sic) lui donne un remède qui lui permet de recouvrer la vue. Il croit alors retrouver la beauté des choses : " Je vais voir mon bonheur …Le ciel ! Le soleil ! Quel éblouissement. Je vais voir ma vie maintenant. Je vais voir mon bonheur " 

Il découvre en fait la noirceur du monde. Son meilleur ami couche avec sa bien-aimée et se fait connaître comme l'auteur de ses poèmes, son fils s’avère être un rejeton ignoble, et le condamné, délivré par ses soins, vient le voler à son domicile. Tchang-I ne fera cependant pas le choix de la vengeance. Avec l’aveuglement, la vie reprendra comme avant !

Cette leçon vaut bien un ouvrage… Elle nous rappelle, avec La Rochefoucauld, qu'il ne faut pas s'offenser que les autres nous cachent la vérité puisque nous nous la cachons si souvent à nous-mêmes… Pierre


CLEMENCEAU (Georges). Le voile du bonheur, pièce en un acte. Paris, Eugene Fasquelle, éditeur, 1901. Une plaquette in-8. Ouvrage broché à couverture illustrée. Edition originale. Papier uniformément jauni. Cachet d'appartenance. Très bon état. Peu fréquent à la vente. Vendu

vendredi 28 juin 2013

Vues pittoresques de l'Inde, de la Chine en 1835 par Robert Elliot et Emma Roberts...


Continuons dans l'orientalisme ! Après le thé et les libellules, je vous présente aujourd'hui un voyage dans l'Orient de la fin du 19eme siècle.  C'est la richesse et la délicatesse des illustrations qui devrait vous plaire dans ce livre de voyage d'origine londonienne (Fisher & Fisher & Jackson), fort renommé au royaume de la perfide Albion.


Il s'agit de vues pittoresques de l'Inde, de la Chine et des bords de la mer rouge remarquablement dessinées sur les esquisses du Commodore Robert Elliot de la Marine Royale accompagnées d'un texte historique et descriptif par Emma Roberts, traduit par J.F. Gérard. Je ne propose que le volume I (Arrrghh !) qui nous dévoile, pour sa part, les plus beaux paysages de la Chine et de l'Inde.


Accompagnant sa sœur en Inde en 1828, Emma Roberts (1791-1840) écrivit: " Il ne peut y avoir une situation plus misérable que celle d'une jeune femme en Inde qui a été amenée à suivre sa sœur mariée dans l'attente illusoire qu'elle va échanger les privations de Angleterre pour le luxe de l'Inde ". Sa soeur meurt en 1830.  Emma Roberts écrit alors une série de livres à succès dont le texte que je présente ici et un recueil de poèmes, Scènes d'Orient, en 1830.

 













Elle a tiré profit de son rôle de vieille fille dans la société britannique en Inde pour nous faire des descriptions à la fois des Britanniques et des Indiens pour lesquels elle montrait de la sympathie. Plusieurs de ses articles parus dans le  Journal d'Asie de 1832 ont été rassemblés, publiés (1835) et salués par la critique. La Gazette littéraire de Calcutta en fit une éloge méritée : " Il y a une vivacité, une délicatesse et une vérité dans ses esquisses légères qui n'ont jamais été dépassé dans aucun livre de voyages contemporains ".


Les croquis originaux qui sont à l'origine des gravures de ce livre sont du commandant Robert James Elliott (1801-1875) qui, de 1822 à 1824, voyagea en Inde, à Canton et dans la mer Rouge. Les planches gravées sur acier représentent principalement des monuments anciens indiens et mahometans, des mosquées, palais et des paysages, souvent avec quelques habitants et les légendes sont en anglais, français et allemand.


Un très beau livre de voyage, donc, qui ne mérite pas qu'on le tronçonne pour ses gravures !  Pierre


ELLIOT (Robert) & ROBERTS (Emma). Vues pittoresques de l'Inde, de la Chine, et des bords de la Mer Rouge ; dessinées par Prout, Stanfield, Cattermole, Purser, Cox, Austin, c. sur les esquisses originales du commodore Robert Elliot. Accompagnées d'un texte historique et descriptif par Emma Roberts, traduit par J.F. Gérard. London et Paris, Fisher, 1835. Un seul volume in-4 sur les 2, le tome I traitant de l'Inde et de Chine. Reliure demi chagrin havane, dos lisse orné de motifs dorés encadrant le titre, plats moirés, gardes colorées, toutes tranches dorées. 68 pages, au total 34 planches gravées sur acier y compris les titres illustrés et les frontispices. Première édition avec un frontispice en couleur gravé par G. Baxter. Vendu

jeudi 27 juin 2013

Poèmes de la Libellule par Judith Gautier, sur Japon, bien sûr !


Je reprends un article que j'avais écrit en novembre 2012 sur Judith Gautier. Après vous avoir proposé un premier ouvrage qui a eu un beau succès d'estime (ignoré par mes lecteurs), me voilà qui vous en présente un autre, bien plus luxueux, bien plus rare, et toujours aussi fidèle aux choix littéraires de l'auteure...


Si vous allez à Saint-Énogat, tout à coté de Dinard, vous remarquerez peut-être une tombe portant une date, 1917, un nom, Judith Gautier et une épitaphe en chinois, La lumière arrive...  Cette sépulture est celle d'une grande écrivaine de la fin du XIXeme siècle qui eut pour gloire, outre ses talents, d'avoir été la première femme à intégrer le prestigieux jury Goncourt… Fille de Théophile Gautier et épouse éphémère de Catulle Mendes, elle est aujourd'hui oubliée des lecteurs alors qu'elle fut avec Pierre Loti, une digne représentante de la littérature exotique de l'époque.

« Voilà donc une femme dont la vie d’imagination s’est passée tout entière en Asie ; ses études et beaucoup de ses lectures ont porté sur des littératures profondément différentes des nôtres ; ses relations sociales même se sont ressenties de ce goût si prononcé pour l’exotisme. Il est difficile d’aller chez Mme Judith Gautier sans y rencontrer quelque japonais mal travesti par le costume européen, ou deux ou trois brillants mandarins en robe nationale, dont la tresse se balance sur leur dos, cependant qu’avec une politesse charmante ils s’inclinent. Son salon est une académie asiatique. » Disait Remy de Gourmont !


Pour comprendre qui fut Judith Gautier, on ne peut faire l’impasse sur l’univers bourgeois et libertaire de son père, Théophile Gautier, qui la protégea autant qu’il lui rogna les ailes. Elle y rencontre ainsi, en 1861, celui qui allait lui permettre de s’émanciper de la littérature de son père, en devenant l’élève d’un transfuge de la Grande Muraille, Ting-Tun-Ling, ramené en Europe par un archevêque, Mgr. Callery, désireux d’élaborer un dictionnaire franco-chinois. Tandis qu'elle s’initiait aux secrets de la langue, de l’écriture et de la culture chinoises, elle publia en 1867, sous le nom de Judith Walter, Le Livre de jade, un recueil de poésies regroupant des textes, parfois très librement interprétés, de célèbres poètes chinois.


Cette femme étrange, dont la grande beauté subjuguait les uns, tandis que son intelligence et son indépendance d’esprit la faisaient haïr des autres, devint la première femme admise à l’Académie Goncourt, succédant ainsi à Jules Renard .


L’Exposition universelle de Londres en1862 où elle se rendit avec son père, marqua son premier contact avec la culture japonaise, dont elle célébra plus tard les rites et les coutumes dans L’Usurpateur (1875), un roman qui fut couronné par l’Académie française. 


Dans ces Poèmes de la libellule que je propose aujourd'hui à la vente, Judith Gautier s’est inspirée des traductions littérales de Saionji pour écrire des poèmes en cinq vers rimés, totalisant 31 syllabes. Robert de Montesquiou écrivit : " Dans ses poèmes qui firent pour le Japon ce que le Livre de Jade avait fait pour la Chine, elle dota la poésie française d’une strophe nouvelle, d’une strophe qui n’est dans Ronsard ni dans Banville. Cette strophe était l’outa japonais exactement transposé en notre prosodie, avec le même nombre de syllabes ". Cet ouvrage, assez rare à la vente, ne se trouve plus que chez quelques collectionneurs. Une aubaine ? Pierre


GAUTIER, JUDITH - Poèmes de la Libellule. Paris, paru hors commerce chez l’auteur, sans date (1885). Un volume in-folio de 64 feuillets non chiffrés. Broché à couverture illustrée. Édition originale et premier tirage tiré à petit nombre sur papier Japon. Chaque page contient un seul poème imprimé sur un dessin monochrome de Yamamoto. 8 dessins sont également répartis dans l’ouvrage. Sept poèmes, tous sur fond de libellules, sont également accompagnés d’une planche en couleurs. Quelques piqûres sur les couvertures, trace de petite déchirure sur le dos, pas de rousseurs. Bel exemplaire de ce livre qui contribua à l'essor du japonisme en France au début du XXeme siècle. Peu fréquent. Vendu

mercredi 26 juin 2013

Le livre du Thé par Okakura- Kakuro : La référence…


Thé ou café, le matin ? C’est une affaire de caractère qui ne se discute guère. En France, comme ailleurs, n’importe quel amateur de café peut expliquer que son petit noir le " met en route " le matin, qu’il clarifie les idées, réchauffe, revigore ou réconforte. " Et moi, c’est le thé qui me fait tout cela ", répliquera le buveur d’infusions. Comme le remarquait déjà Balzac dans son Traité des excitants modernes, " Beaucoup de gens accordent au café le pouvoir de donner de l’esprit mais tout le monde a pu vérifier que les ennuyeux ennuient bien davantage après en avoir pris… ".


Le thé convient, dit-on, aux rêveurs et aux mélancoliques, tandis que le café appelle l’action, assure la psychologie de comptoir. Ce qui n’empêche pas les Chinois, grands buveurs de thé, de faire preuve d’un dynamisme certain dans le travail et mon épouse de tester ma bienveillance dès le réveil !


La liste des bienfaits (et des méfaits) des deux breuvages, allongée à plaisir à mesure que les marchands les faisaient passer de continent en continent, est infinie et contradictoire. En résumé : le café apaise les céphalées, stimule le cerveau et la digestion, facilite les selles, empêche les calculs biliaires et le cancer du foie, chasse le cholestérol des artères, soulage les asthmatiques, retarde la maladie de Parkinson et prévient aussi les accidents de la route, s’il permet de rester éveillé au volant. Le thé retarde le vieillissement, réduit les risques de cancer du poumon, de l’œsophage, de l’estomac, du rectum et du pancréas, prévient les accidents cardiaques, apaise le stress, protège des rayons du soleil et des caries, et permet d’éviter les mains moites.


C'est souvent en explorant l'Orient qu'on découvre le thé. Au japon, c’est un rite d’accueil qui permet de vous poser et de faire une coupure entre la trépidation de la vie extérieure et l’extrême concentration requise pour la méditation. D’ailleurs, la cérémonie du thé, dans sa pure tradition avec la poudre de thé matcha, est l’une des voies d’accès au zen.


L'Inde, la Chine, le Sri Lanka (anciennement connu sous le nom de Ceylan) sont des pays mondialement connus pour leurs plantations de thé. Plusieurs variétés sont produites dans ces différentes contrées. Mais que contiennent exactement les feuilles de thé ? Un acide-aminé, une molécule, appelée théine qui a été découverte en 1827 par le chimiste Oudry. Ce n'est qu'en 1838 que les scientifiques constatent que la théine est exactement la même molécule que la caféine mise au jour en 1820 par Friedrich Runge. Mais la langue ne suit pas l'évolution scientifique et la théine est restée dans le vocabulaire usuel par erreur. Il serait plus juste de parler de la caféine du thé !


Écrins feutrés où les feuilles s’épanouissent dans une fine faïence, les salons de thé gardent encore, en Europe, le charme élégant teinté de snobisme qui régnait à leur création, quand le thé n’était bu que par la gentry. En France, si le thé reste historiquement une boisson féminine, de plus en plus d’hommes apprécient cette infusion. On dit même que c'est la boisson des bibliophiles… Pierre


OKAKURA-KAKURO. Le livre du thé. André Delpeuch, 1927. Edition originale de la traduction française établie par Gabriel Mourey. Ouvrage orné d'illustrations japonisantes de Loka-Hasewaga. Jolie couverture illustrée de style japonisant. Ouvrage de référence sur le thé. Un tampon d'appartenance en page de garde. Bon état. Vendu

mardi 25 juin 2013

Alain : Le roi pot en édition originale. Propos sur le pacifisme...


En quoi le fait que le père d'Alain (Emile-Auguste Chartier) fut vétérinaire, a provoqué chez moi de l'intérêt et de la bienveillance pour son rejeton ?  Le corporatisme…


Alain, philosophe français, est né en 1868 et est mort en 1951. Son œuvre couvre des domaines considérables, de la métaphysique jusqu’à la morale et la politique. Il fut aussi un journaliste brillant et un remarquable analyste de la Troisième République. Alain est resté, dans les mémoires, comme un grand pédagogue de la philosophie, et son enseignement a marqué des générations d’étudiants et d’étudiantes au fil de ses différentes affectations.


A partir de 1906, il met au point le genre qui le fera connaître, les Propos, courts articles publiés dans La dépêche de Rouen. Professeur de Khâgne à Henri IV à partir de 1909, Alain lutte activement contre la guerre qu’il voit se profiler. Quand celle-ci éclate, sans renier ses engagements pacifistes, mais conscient de ses devoirs de citoyen, il s’engage comme volontaire et part au front dans l’artillerie.


La guerre, qui brise l’homme, libère l’auteur. Avant guerre n’avaient paru sous son nom que quelques recueils de Propos. A partir de 1917, Alain publie ses grands traités d’esthétique et de métaphysique, Le système des beaux-arts en 1920, et Mars ou la guerre jugée, un violent pamphlet contre la guerre. Jusqu’à la fin des années 30 il poursuit une œuvre extrêmement riche, marquée par la lutte politique, en faveur de la paix, contre les fascismes qui montent, mais aussi en faveur d’une République libérale strictement contrôlée par la puissance du peuple. La seconde guerre mondiale brisera ses espoirs pacifistes…


Alain fut aussi un humaniste athée semblable à beaucoup d'indécis perplexes de notre époque. Bien qu'il ne crut pas en Dieu et soit anticlérical, il respecta l'esprit de la religion. Il était même attiré par les phénomènes religieux qu'il analysait avec beaucoup de pertinence. Dans " Propos sur la religion " et " Propos sur le bonheur ", on sent transparaître une certaine fascination pour l’Évangile et pour le catholicisme dont il applique les vertus. Un brave homme, en fait, qui ne trouvait pas la foi en l'église alors qu'elle est était en lui…


Je conseille, aux amateurs qui désirent approfondir leur connaissance, le dynamique site des amis de Alain dont je me suis inspiré pour cet article. Les lecteurs apprécieront que je propose aujourd'hui une édition originale numérotée sur pur fil Lafuma-Navarre, tirage de tête après 36 exemplaires sur Hollande Van-Gelder. Il s'agit d'un ouvrage posthume à forte inspiration pacifiste. Selon Alain, la préparation à la guerre, dans tous les sens du mot, est un moyen de gouvernement, et même il n'en voit pas d'autre !  Il faudrait donc s'affranchir de tout pouvoir... Un ouvrage à méditer à l'ombre d'un platane, lors du  post-prandial d'un aïoli local, allongé dans un transat, bercé par le bruit des cigales et enivré de fragrances provençales… Pierre


ALAIN. Le roi pot. Chronique de l'autre règne. Paris, NRF, Gallimard, 1959. Edition originale brochée sur pur fil Lafuma-Navarre n° 65. Sous papier cristal d'époque. Parfait état. 60 € + port

lundi 24 juin 2013

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : la musique intérieure de Charles Wagner…

Je vous avais prévenu, vendredi dernier, de mon retour estival en notre bonne ville de Tarascon. C'est donc sans surprise, mais avec l'espoir caché de se sentir attendu, que j'ai découvert, ce matin, le courrier qui remplissait la boite aux lettres de notre brave libraire tarasconnais. La lettre d'un jeune homme a attiré mon attention ; car, moi aussi, j'ai été jeune même si certaines personnes en doutent.

Cher Maître,

J'ai dix-huit ans. Je viens de passer mon Baccalauréat. Pris en charge par ma famille, par la société des loisirs et de consommation, je flotte au grès des courants d'opinions sur le fleuve de l'indifférence aux autres et à moi-même. A la base de la vie, il faut pourtant des certitudes, des principes arrêtés : mon dilettantisme intellectuel me conduit inévitablement au dilettantisme moral, je le sais. Je cherche, sinon un mentor, tout au moins un conseiller. Votre avis m'intéresse. Un lecteur fidèle.


A mon jeune lecteur,

Vous avez, en effet, besoin de la finesse de mon analyse et de quelques conseils pratiques. Si vous possédez déjà des sentiments élevés, il vous manque encore les convictions qui vont avec… Vous me rappelez " moi " ! Je n'ai qu'à fermer les yeux pour me revoir, à votre âge, vivre, espérer, aimer et parfois m'égarer. Admettez cependant que vous avez en face de vous un homme de quelques années plus vieux que vous. Il est ce que vous êtes, avec un peu plus d'horizon et de maturité. Il aimerait pourtant, à certaines heures, être l'arbre sous lequel vous vous asseyez pour songer ou pleurer. Dans le récit idéalisé qu'il a fait de sa vie, Goethe déclare que " ce que l'on souhaite dans sa jeunesse, on le possède en abondance dans la vieillesse ". Tout espoir n'est donc pas perdu mais je souhaite que vous puissiez accélérer la procédure grâce à mes conseils avisés !


Notre existence banale a, je le conçois, le plus souvent pour effet de nous faire oublier qui nous sommes. Elle nous couvre, selon l'occasion, d'oripeaux étincelants ou de haillons sordides. Mais il est des accents qui réveillent l'âme. Puisse mon exemple vous servir de fanal. Je voudrais vous faire concrétiser ce beau rêve de force, de bonté, de virilité d'esprit après lequel il n'est plus possible de se complaire dans les plaisirs fugaces et superficiels ou de s'abandonner au découragement stérile.


La différence entre un brave homme et celui qui ne l'est pas est simple : le premier est un homme de conscience, le second un homme de galerie.  Au second, peu importe que sa morale intérieure l'acquitte ou le condamne ; il y a longtemps qu'il ne la consulte plus… Son juge à lui, c'est le public. Il se surveille quand on le regarde. Aussitôt qu'il est seul, il n'a plus ni frein ni loi. Ce perpétuel cabotin attache plus de prix au jugement du dernier des spectateurs qu'à son propre jugement, et l'homme au monde dont l'estime lui importe le moins, c'est lui-même… Méritez-vous, que diable !


Vous me demanderez peut-être d'où me vient cette clairvoyance. L'expérience, jeune homme, le vécu !  Alors, qu'importe le reste ! Qu'on doute, qu'on se ramasse, qu'une bataille soit perdue n'est rien… si elle ne se transforme pas en déroute. Le plus important est de ne pas céder à la démoralisation dans le sens étymologique du terme ! Pour l'homme qui sait profiter de cette leçon, c'est une force que de douter ou d'avoir été quelquefois vaincu… J'en parlais encore récemment avec mon ami Charles Wagner qui reprit mes perspicaces idées dans un petit ouvrage qu'il fit paraître, avec quelque succès, à la fin du siècle. On connaît la musique…
Votre dévoué. Philippe Gandillet


WAGNER (Charles). Vaillance. Huitième édition. Paris, librairie Fischbacher, 1894. un volume in-8. Reliure demi-chagrin rouge, dos à nerfs, titre en lettres dorées, gardes colorées, couvertures conservées. 281pages. Bel état. 40 € + port

samedi 22 juin 2013

Balzac : Quand Le Bal de Sceaux était un Marché de Dupes...


Le Bal de Sceaux est l’un des premiers textes de La Comédie humaine. Rédigée en 1829, cette nouvelle est publiée en 1830 dans les Scènes de la vie privée. Le Bal de Sceaux se rapproche à plusieurs égards d'un conte moral.


Émilie de Fontaine est une enfant gâtée et orgueilleuse. Elle rejette tous les prétendants que lui propose son père. Elle ne prendra pour mari qu'un pair de France ou un fils de pair ! Lors d'un bal, elle rencontre le beau Maximilien. Ils tombent amoureux. Mais, un jour, Émilie découvre que Maximilien a un secret qui risque de la détourner de lui et de gâcher toute son existence. A travers le portrait d'une jeune fille passionnée, une formidable peinture de la société et de ses préjugés.


En effet, elle refuse de s'unir au charmant Maximilien de Longueville, quand elle découvre qu'il vend du tissu. Elle se résigne à épouser son oncle septuagénaire (au 21eme siècle, cela correspond à un nonagénaire), le vice-amiral, comte de Kergarouët. Elle sera punie d'avoir écarté son jeune aimant en apprenant, deux ans après son mariage, que Maximilien est aussi vicomte et Pair de France… C'est bien fait !


La première édition de cette nouvelle fut éditée dans Scènes de la vie privée, en deux volumes in-8, mis en vente par Mame et Delaunay-Vallée, en mars 1830 ; intitulé pour la seule fois Le Bal de Sceaux ou le Pair de France.  Le récit clôt le premier volume et il constitue la troisième " Scène " et n'est pas divisé en chapitres.


Le Bal de Sceaux, sous un titre anodin et publicitaire, cache son jeu et son enjeu. En apparence, scène de mœurs, greffée sur la pratique mondaine d'un bal champêtre hors les murs, Le bal de Sceaux, engage toute une réflexion sur l'ordre social et politique et le bal qui assure, le temps d'une soirée, le mélange des classes. Existe-t-il un endroit de telle mixité sociale, de nos jours ?  Oui. C'est au Bal des débutantes que j'ai rencontré mon épouse dont j'ai convoité la particule (en deux mots)…


Je vous propose à la vente, aujourd'hui, une très agréable édition en tirage de tête, fort bien reliée et éditée à une époque où l'Algérie était en France… Je vous en ai parlé, ici, il y a deux jours. Pierre


BALZAC (Honoré de)& CAZES (Jeanne). Le bal de Sceaux. Alger, Editions de l'Empire, 1944. Un volume in-4. Reliure plein chagrin bleu, encadrement des plats par un filet bleu, dos lisse avec motifs et lettres dorés, gardes colorées. Illustrations de Jeanne Cazes. Edition numérotée. Tirage de tête sur vélin hélio justifié de A à J et comportant un dessin original de l'artiste (le notre exemplaire H). 139 p. Quelques points de rousseurs. Bel exemplaire de tête. 145 € + port